
La Fondation
actualité
Expertise
Tribune : Pour une fin de vie digne et apaisée, défendons les soins palliatifs
18/04/2025
Le 22 avril 2025 marquera le vingtième anniversaire de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, plus connue sous le nom de loi Leonetti. Deux décennies après son adoption, elle demeure une avancée essentielle dans la reconnaissance du droit à une fin de vie digne et apaisée. Pourtant, les inégalités d'accès aux soins palliatifs en France persistent de manière alarmante : trop de patients terminent leur vie sans accompagnement adapté, faute de structures suffisantes, de professionnels formés ou d'une sensibilisation accrue à ces dispositifs.
La mobilisation doit être à la hauteur de l’enjeu. En 2024, le Parlement avait enfin ouvert un débat crucial sur l’accompagnement de la fin de vie, avant que la dissolution de l’Assemblée nationale ne vienne interrompre les discussions. Celles-ci reprendront prochainement puisqu’à partir du 12 mai, deux propositions de loi seront examinées à l’Assemblée : l’une vise à renforcer les soins palliatifs ; l’autre prévoit l’accès à une « aide à mourir ».
Espérons que les débats aboutissent à des avancées concrètes pour garantir un accès renforcé et équitable aux soins palliatifs, quel que soit l’endroit où l’on vit en France.
Un accès aux soins palliatifs encore trop inégal
Aujourd'hui, seules 20 % des personnes qui devraient bénéficier de soins palliatifs y ont accès. De lourdes disparités territoriales existent : 26 départements français ne disposent d'aucune unité de soins palliatifs et trois départements comptent moins d'un lit pour 100 000 habitants. Cette situation est inacceptable.
Loin d'être une alternative par défaut, les soins palliatifs constituent une réponse humaine et médicale efficace à la souffrance. Ils permettent d'apaiser la douleur, de préserver la dignité et d'offrir un accompagnement à la fois aux patients et à leurs proches. Pourtant, leur déploiement reste entravé par un manque de moyens, de formation et de reconnaissance.
C’est pourquoi l’article 2 de la proposition de loi, qui vise à structurer des organisations territoriales pour garantir un accès effectif aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire, est une disposition très attendue.
Former les professionnels, accompagner les familles : une urgence
Les professionnels de santé sont insuffisamment formés aux soins palliatifs et à la détection des signes annonciateurs de la fin de vie. Faute de repérage précoce, trop de patients ne bénéficient pas des soins nécessaires à temps. Pour y remédier, la formation continue des soignants doit être renforcée et intégrer les compétences essentielles en soins palliatifs.
Par ailleurs, les familles jouent un rôle clé dans l’accompagnement des patients. Trop souvent laissées seules face à la maladie, elles doivent pouvoir compter sur des structures d’accueil et de répit, ainsi que sur un accompagnement psychologique et pratique. Informer et soutenir les aidants, c'est aussi garantir un accompagnement digne aux personnes en fin de vie.
Nous saluons donc l’article 8 de la proposition de loi, qui prévoit plusieurs mesures visant à renforcer la formation initiale et continue en matière de soins palliatifs et d’accompagnement en fin de vie.
Une culture palliative ancrée au cœur de nos établissements
Accompagner la fin de vie peut s’avérer complexe d’un point de vue émotionnel, tant pour les familles que pour les professionnels de santé. Face à cette réalité, la Fondation Léopold Bellan s'engage non seulement à améliorer l’accompagnement des patients et de leurs proches, mais aussi à soutenir ceux qui, au quotidien, leur apportent écoute et réconfort. C'est dans cet esprit que nous avons développé, depuis plusieurs années, une véritable culture des soins palliatifs au sein de nos établissements.
Une charte d'accompagnement de fin de vie a été élaborée et diffusée, et un plan d'action a été mis en place pour renforcer l'accompagnement des patients et de leurs proches. Cette dynamique repose sur plusieurs axes essentiels :
- La mise en place de formations continues pour les professionnels, afin qu'ils acquièrent des compétences spécifiques sur la gestion de la douleur, les soins de confort et l'accompagnement psychologique des patients et de leurs familles.
- Un soutien psychologique et la création de groupes de discussion et de réflexion éthique au sein des établissements, permettant aux professionnels d'échanger sur leurs pratiques, d'améliorer la prise en charge et de prendre des décisions de manière collégiale et bienveillante.
- Le renforcement du dialogue avec les familles pour les accompagner au mieux et les aider à anticiper les décisions importantes, notamment en matière de directives anticipées, afin que chaque patient puisse exprimer ses volontés et être pleinement acteur de son parcours de soins.
- L’intégration d’associations partenaires dans plusieurs établissements, afin d’apporter un soutien complémentaire aux patients et à leurs proches, en combinant accompagnement social, médical et spirituel.
Les soins palliatifs : un investissement nécessaire
Chaque année, environ 600 000 personnes décèdent en France. Parmi elles, environ 61 % seraient susceptibles de bénéficier de soins palliatifs, soit près de 365 000 personnes selon les dernières estimations disponibles (données 2017).
Pourtant, seulement environ 50 % de ces besoins sont couverts aujourd’hui. En 2021, on estime que 90 780 patients ont reçu des soins palliatifs à l’hôpital, 43 000 en hospitalisation à domicile (HAD), 52 000 en médecine de ville, et une proportion indéterminée mais encore faible en établissement médico-social (comme les EHPAD), où l’offre demeure lacunaire voire inexistante, selon un rapport de la Cour des Comptes.
Ce décalage entre les besoins réels et l’offre effective révèle une réalité préoccupante : malgré un droit reconnu à l’accès aux soins palliatifs (loi Claeys-Leonetti), près d’un patient sur deux n’en bénéficie pas, particulièrement en dehors du milieu hospitalier.
Or, les besoins réels sont estimés à près de 440 000 d’ici 2035. Pour combler ce retard, le gouvernement prévoit d’investir 2,7 milliards d’euros d’ici 2034, soit une augmentation de 66 % du budget actuel.
Cet investissement est indispensable, comme le souligne une étude réalisée par la Fondation Léopold Bellan. Celle-ci estime qu’un accompagnement en soins palliatifs nécessite en moyenne un budget d’environ 8 000 euros par patient. Ces données doivent orienter les choix budgétaires afin de garantir un financement adapté aux besoins réels.
Au-delà des chiffres, l’enjeu est de créer des espaces d’accueil plus humains. Dans cette optique, la Fondation développe à Tours une Maison d’Accompagnement et de Répit, une structure innovante offrant aux personnes en fin de vie un cadre "comme à la maison". Ce modèle, combinant soins de qualité et bien-être, doit être encouragé et multiplié sur l’ensemble du territoire.
Ce type d’initiative doit être encouragé et multiplié sur l’ensemble du territoire. Espérons que la future loi offrira un cadre juridique suffisamment souple pour concrétiser ces projets.
Fin de vie : un débat essentiel
Il est essentiel de rappeler que, bien souvent, la demande d’une aide à mourir traduit une souffrance insuffisamment soulagée. Garantir un accès universel, renforcé et équitable aux soins palliatifs est donc une priorité absolue pour répondre à cette détresse. Toutefois, la réalité est que certains Français se rendent à l’étranger pour recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté, faute de cadre légal en France.
Le choix de scinder le débat entre une proposition de loi sur les soins palliatifs et une autre sur l’aide à mourir est pertinent. Cette approche permet de progresser rapidement sur un sujet fondamental et relativement consensuel – l’accès aux soins palliatifs – tout en laissant le temps nécessaire à une réflexion approfondie et apaisée sur des questions plus sensibles, comme l’aide à mourir. Cela permettra d’apporter des réponses adaptées aux attentes et aux besoins de chacun.
