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CMPP : au plus près de l’enfant
01/10/2025
Structure unique au sein de la Fondation, le Centre Médico Psycho-Pédagogique (CMPP) de Paris XIe (*) propose un accompagnement pluridisciplinaire en santé mentale de proximité aux enfants et aux jeunes jusqu’à 20 ans.
« Ce qui caractérise l’esprit de notre CMPP c’est le désir d’accueillir à plusieurs chaque enfant ou adolescent en souffrance et sa famille. Nous sommes une grande équipe aux profils variés. Non seulement nous écoutons les patients mais nous nous écoutons aussi entre nous avec bienveillance. C’est l’ensemble de l’institution qui accueille et porte l’enfant ou l’adolescent et sa famille. Ce travail collectif et créatif est très pertinent pour prendre soin des patients. » La psychologue Violaine André exprime ici un sentiment partagé par la vingtaine de professionnels du CMPP : médecins, psychologues, psychomotriciennes, orthophonistes, assistante sociale, cheffe de service et directrice. « L’idée est de créer une enveloppe autour de la famille », renchérit Marie Beaupain, orthophoniste, ainsi, dans notre travail, nous sommes soutenus par l’ensemble de l'équipe quand nous faisons face à des difficultés. »
« Nous sommes très impliqués, chacun à son niveau. Le fait d’avoir plusieurs professionnels de la même spécialité est rare en CMPP. Cela nous permet de proposer les accompagnements les plus pertinents dans la situation de l'enfant et de sa famille » Laetitia Sion, orthophoniste
Les Centres Médico Psycho Pédagogiques, dont le principe de création s’inscrit dans le prolongement du renouveau des politiques d’accompagnement médicales, pédagogiques et sociales au lendemain de la deuxième guerre mondiale, se sont multipliés au cours des années 60 du XXe siècle. Leur objectif, à travers la spécificité de leur prise en charge pluridisciplinaire, est d’accompagner, sur le mode ambulatoire, les enfants présentant des troubles révélés au cours de la scolarité, aussi bien en ce qui concerne des perturbations de la conduite que des inhibitions dans l’acquisition des connaissances, liées à des difficultés psychoaffectives latentes. En ce sens, ils se distinguent des Centres médico-psychologiques pour enfants et adolescents qui relèvent du secteur sanitaire et dont la vocation est la prise en charge des troubles pédopsychiatriques dans leur ensemble. Toutefois, avec le développement de l’école inclusive, le spectre des prises en charge en CMPP n’a cessé de s’élargir en accompagnant notamment des enfants atteints de troubles du spectre de l’autisme comme d’autres handicaps.
Les soins donnés au CMPP s’articulent autour de trois axes : médical, psychologique, et pédagogique auxquels il faut ajouter l’action sociale, davantage prégnante aujourd’hui, en raison de l’évolution des publics accueillis : d’une part, des enfants élevés dans une grande précarité, d’autre part des jeunes patients en situation de handicap. A cet égard, les contacts avec les partenaires sociaux - possibles après consentement explicite des parents – contribuent à influer favorablement sur la trajectoire du jeune patient.
Outre les consultations médicales thérapeutiques, le CMPP propose des psychothérapies, des consultations de thérapie familiale, et guidance des parents. S’y ajoutent des rééducations du langage (oral et écrit) comme des remédiations logico-mathématiques et des thérapies psychomotrices. L’appui pédagogique est également apporté par les nombreux groupes d’expression mis en place au CMPP. Par ses contacts fréquents en milieu scolaire, comme ’autres intervenants sociaux, l’équipe du CMPP exerce une action de prévention non négligeable sur les populations à risque.

« Nous pratiquons une approche individualisée de chaque patient et plurifactorielle des symptômes. Nous nous gardons de considérer tout trouble comme un handicap, ceci pour ne pas poser d’étiquette et pour mieux envisager des soins, plutôt que de tenter de combler des déficits. » Sergio Espeso, psychologue
Prendre le temps du soin
Si, le plus souvent, l’école oriente l’enfant vers le CMPP, les parents peuvent tout à fait le solliciter directement pour un avis ou une inquiétude sur le développement de leur enfant : retard de parole ou troubles du langage oral aux conséquences négatives à l’école, des signes faisant craindre un traumatisme psychologique aux conséquences durables, des troubles anxieux ou névrotiques, des états dépressifs dont les symptômes sont souvent déroutants chez l’enfant. En 2018, un rapport de l’IGAS soulignait la pertinence de ces structures. Le coût des soins étant directement remboursé par les caisses d’assurance maladie au CMPP, les patients n’ont pas à faire d’avance de trésorerie, ce qui rend les soins accessibles à toutes les familles.
Lors de la phase d’évaluation, l’enfant est d’abord reçu par un médecin pédopsychiatre. S’y ajoutent des évaluations psychologiques, orthophoniques et psychomotrices. Des informations supplémentaires sont parfois demandées auprès des écoles. Après ce premier temps, une réunion d’équipe produit une synthèse proposant un plan de soins et d’accompagnement à la famille qui peut se décliner jusqu’à deux ou trois rendez-vous par semaine et durer quelques mois ou quelques années.
« Notre société évolue et notre société, comme l’école, est plus exigeante » remarque Estelle Barbare, orthophoniste. « L'enfant, en grande section, doit déjà posséder des compétences très solides, savoir pratiquement lire… Nous voyons donc de plus en plus les enfants dans l'urgence, devant rapidement fournir un compte-rendu pour une demande d'AESH, par exemple. À cette pression, nous opposons le temps nécessaire de la rencontre avec l'enfant pour pouvoir entrer dans un travail relationnel. »
Le CMPP accueille régulièrement de nouveaux arrivants et en effet, les bilans représentent une part significative du travail des professionnels : « Ils revêtent une grande valeur dans notre société », exprime Héloïse Bouteille, psychomotricienne. Ils sont précieux pour repérer des troubles instrumentaux avérés, au niveau de la dextérité manuelle, de la coordination, de la structuration spatiale, du schéma corporel et de la gestion émotionnelle, de la concentration, de l’impulsivité motrice… Ce repérage des difficultés de l’enfant (à l’école, à la maison…) permet de décider comment nous allons conduire notre prise en charge. Mais un travail d’orfèvre se déploie ensuite à long terme, celui de la rencontre avec l’enfant - où nous verrons apparaître ce qui n’était pas perceptible dans le bilan. »
« Au-delà du diagnostic et des préconisations, notre devoir à l’égard de la population est d’assurer la continuité des soins. Conformément aux obligations du code de déontologie médicale et aux dispositions du Code de santé publique, il nous est interdit de discriminer ou de stigmatiser les patients, appuie Samuel Lepastier, pédopsychiatre, médecin responsable du CMPP. Trop peu de services assurent le travail que nous faisons ici et il est important que notre modèle subsiste. La longueur de notre liste d’attente atteste à cet égard la forte attente du public. L’équipe du CMPP est composée de professionnels solides, remarquables aussi bien par leur expérience confirmée que par leur capacité à s’engager pour un travail harmonieux en équipe auprès des jeunes patients et de leurs familles. Nous sommes récompensés de nos efforts quand nous percevons – moment fréquent d’émotion pour l’ensemble de l’équipe – les premiers signes annonciateurs d’un changement positif, quand bien même resterait-il encore de longs efforts à fournir. »

Soutenir les parents
Le CMPP a une file active de 320 familles qui fréquentent le centre, venues prioritairement du 11e et des arrondissements limitrophes. « Un CMPP n’est pas sectorisé mais la proximité est importante pour que les enfants ne fassent pas de longs déplacements et aussi pour favoriser l’adhésion aux soins », estimait Baya Bellir, ancien médecin responsable. Il est important de nouer une alliance thérapeutique avec les parents et ce d’autant plus que des parents accaparés par des préoccupations sociales hésitent à s’engager : « Nous observons un certain paradoxe entre les fortes attentes de la part de l'équipe pédagogique, souvent en difficulté, et celles beaucoup plus mesurées des parents, rarement dans l’urgence. Notre travail consiste alors à faire émerger leur propre demande, afin qu’ils en voient l’utilité », énonce Sergio Espeso ; « Nous essayons d’impliquer les familles au maximum. La régularité des consultations est essentielle, de même que leur participation à la réussite de leur enfant. C’est un travail commun, en somme », complète Nelly Charpentier, orthophoniste. Pour faciliter la vie des familles, une accompagnatrice peut chercher si besoin les plus jeunes enfants (moins de 11 ans), à l’école, pour les conduire à leurs consultations lors des temps scolaires.
« Nous avons repensé le travail pour mieux accueillir les familles et nous proposons avec le psychologue Sergio Espeso une consultation de thérapie familiale pour accueillir les familles dans leur ensemble dans le cadre de la prise en soin d’un enfant », détaille Corinne Ducos. L’assistante sociale intervient à la demande de l'équipe et des familles pour faciliter l’accès au droit commun (aides, logement…). Elle mène aussi un important travail de lien entre le lieu de soins et les partenaires (écoles, autres structures sanitaires, centres sociaux... et avec la Protection de l’Enfance, à partir des observations de collègues croisées avec celle de l’école : « Nous pouvons également découvrir au fil de l'accompagnement une mesure de protection de type aide éducative à domicile (AED) ou judiciaire, donc avec obligation. Je peux être le porte-parole de l'équipe de soins auprès des équipes de protection de l'enfance, pour dégager les thérapeutes. »

L’établissement propose 4 fois dans l’année « un café des parents » sur des samedis d’ouverture, offrant un espace convivial aux parents qui partagent le fait d’accompagner un enfant au CMPP.
Une variété de groupes à médiation thérapeutique
L’une des grandes richesses du CMPP, liée à la cohésion d’équipe, réside dans le panel de groupes thérapeutiques, toujours animés en binôme : « Je travaille essentiellement avec les psychomotriciennes, illustre Laetitia Sieffermann, psychologue. Nous avons créé notamment des groupes autour de la trace (le dessin, l’écriture…) et des jeux de rôle en liant le graphisme au mouvement » ; « J’ai animé un groupe de psychodrame avec les adolescents, poursuit Marina Jarkova, psychologue, une expérience vraiment très intéressante que j’aimerais réitérer. Certains de nos collègues peuvent dispenser une formation à cette technique. De même que nous aimerions développer un partenariat avec le collège voisin. »
Autres exemples, Clarisse Renau, orthophoniste, anime un atelier d’écriture ou Blanche Le Cour, psychomotricienne, travaille avec une orthophoniste, une psychomotricienne, une psychologue : un groupe sensorimoteur pour les tout-petits de moins de 5 ans (orthophoniste-psychomotricienne), psychomouv’ pour les adolescents présentant des formes d’inhibition et/ou des troubles d'apprentissage, par deux psychomotriciennes…. Violaine André (psychologue) et Estelle Barbare (orthophoniste) ont pour leur part créé Histoires et émotion, pour des enfants de grandes sections et de CP : un livre est choisi pour aider les enfants à détecter et comprendre les émotions d’un personnage et finalement les leurs. « C'est tout le sens de la médiation qui fait lien entre l'enfant et le thérapeute. Cela peut être aussi un jeu. Chez l’enfant, on ne peut pas passer par la parole directement. »

« Nous intervenons dans les Équipes de Suivi de Scolarisation (ESS) au service de l’école inclusive. Il est très intéressant de soigner ici des troubles très différents et très gratifiant de voir le progrès des enfants en séance et tout le travail accompli par les familles. » Charlotte Callier, orthophoniste
* Le CMPP est attaché au Pôle surdité Paris Est, sans pour autant accueillir spécifiquement d’enfants sourds.
Des formations et du partenariat
Suivant ainsi les orientations de la Haute Autorité de Santé, l’établissement tend à élargir le champ de ses interventions pour mieux répondre aux demandes du nouveau public accueilli au sein de l’école inclusive : « Notre projet d’établissement pour 2024-2028 a été écrit en lien avec les attentes de l’Agence Régionale de Santé et de la Haute Autorité de Santé, que nous avons également intégrées dans le programme de formation des professionnels, souligne la directrice, Nicole Geneste. « Nous travaillons par ailleurs avec un large partenariat qui nourrit notre réflexion.
